Nous revenons au Refuge, après une tournée de nourrissage en tribu… Même en ces jours de fêtes, alors que l’alcool coule à flot, et les feux d’artifice éclairent les nuits, il y a des animaux qui vont le ventre vide, certains n’ont pas l’habitude de penser à nourrir « les moins que rien »... Même si les chiens mangent peu, ils ont chaud et sont terrorisés par les feux d’artifice, ils ont quand même besoin d’un bon repas et d’un peu d’attention….
Nous croisons Gavroche, il est prostré au bord de la route, il n’a que la peau sur les os. C’est un habitué de ce point de nourrissage, mais, ce soir, il ne s’approche pas des croquettes, il ne mange pas.
Nous ne l’avions pas vu depuis deux semaines, j’étais inquiète pour lui, mais aussi pour tant d’autres ailleurs, partout …. Nous savons, par expérience qu’ils survivent en venant manger aux quelques points de nourrissage de la commune. (Si peu, par rapport aux immenses besoins)
Et un jour, schéma classique, nous ne les voyons plus. Nous nous doutons alors qu’ils sont morts…. L’espérance de vie d’un chien en Brousse profonde, en tribu est d’environ un an… Peu d’entre eux, dépassent les deux à trois ans
Nous nous arrêtons, je m’approche de Gavroche, il pue l’infection, il a des poches de pus autour de la bouche, autour du nez, il respire avec difficulté…..
Il boite en se levant pour me fuir, je lui parle, je tends la main pour le toucher, il se traine, un mètre plus loin, j’essaie de nouveau de l’amadouer, de le toucher, il se traine deux mètres plus loin…
Nous rentrons au Refuge, je récupère un calmant que je mets dans un bol de morceaux de poulet…
Lorsque Je reviens au point de nourrissage, il a traversé la route, il est caché sous les hautes herbes, il sait que je le vois, il a peur. Je dépose le bol et je retourne de l’autre côté de la route « pourvu qu’il mange »….
Il fait nuit maintenant, je m’approche pour récupérer le bol, il se traine encore un mètre plus loin dans les hautes herbes….. « Ouf, il a tout mangé »…..
Je l’ai ramené à 21 heures, il a fini par se laisser prendre, il a bien fait mine de me mordre, mais je crois qu’il était tellement épuisé, qu’il n’a pas eu la force de se battre … Les pétards claquaient de toutes parts, tous les chiens étaient terrorisés…..
Je l’ai mis dans une pièce seul, au calme et ai commencé un traitement d’antibiotiques, c’était le plus urgent…..Il serait certainement mort le lendemain. Il avait du mal à respirer, déglutir, il avait des chandelles de pus qui lui coulaient du nez, de la bouche…. Son instinct de survie l’a fait sortir de sa réserve et venir chercher de l’aide dans le seul endroit où il était, un tant soit peu, pris en considération, un point de nourrissage AaaC… Ce soir là, il n’a pas mangé de nouveau, il s’est endormi rapidement sur son tapis, il peinait à respirer, se réveillait souvent pour reprendre son souffle, toussait beaucoup….
Nous l’avons amené chez le vétérinaire trois jours plus tard, malgré les antibiotiques, il ne mangeait plus et semblait s’éteindre tout doucement….
Le vétérinaire a confirmé le traitement d’antibiotiques car Gavroche était en train de mourir d’une infection respiratoire, et a donné en même temps un traitement anti-démodécie……
Un mois et demi plus tard, Gavroche est retourné chez le vétérinaire pour un traitement choc anti-filaire…. Il y a survécu….. Il semble cependant toujours avoir des problèmes respiratoires, Il a une infection qui perdure, et qui produit régulièrement du pus, malgré le mois et demi d’antibiotiques, il faudrait l’endormir pour aller voir, mais c’est justement cette infection de l’arrière-gorge ou de l’arrière nez, peut-être des cavités synoviales, qui le rend insuffisant respiratoire, il peut donc mourir sur la table d’opération à cause de l’anesthésie…..
Gavroche vit toujours seul dans sa pièce, ici, au Refuge. Il a beaucoup progressé en sociabilisation à l’humain, mais il sursaute et stresse toujours lorsqu’on le touche pour le caresser, ou le soigner, ou changer sa couverture….
Il est aussi guéri de sa démodécie…..
Nous avons fait notre part, Gavroche aurait maintenant besoin d’une famille d’accueil, avec des gens qui pourraient être patients avec lui, car il est encore très peureux, parce qu’ il n’a jamais été sociabilisé à l’humain lorsqu’il était chiot (comme beaucoup de chiens et de chats par ici) et qui pourraient et voudraient l’accompagner jusqu’à ce qu’il redevienne le chien normal qu’il aurait dû être, si le monde avait été meilleur….
Gavroche a maintenant besoin de retourner à une vie normale de chien…. Car pour l’instant, il vivote enfermé dans une pièce ici, d’où il n’a jamais essayé de sortir, sans doute par peur de se retrouver confronté à la VRAIE VIE, la seule qu’il connaisse dans sa vie de jeune chien…..
Nous aurions besoin de trouver quelqu’un pour l’aider et l’accompagner …… Une famille d’accueil qui puisse le prendre en charge dans les soins qui lui restent à subir, mais également le sociabiliser, jusqu’à complet rétablissement… Des humains qui lui donneraient l’envie très forte de vivre et donc de s’accrocher lorsqu’il faudra qu’il soit anesthésié pour le curage des cavités où l’infection perdure...
Nous sommes en 2017, Gavroche est un survivant….